Mais ils sont fous !

Et s’il fallait s’inspirer des études sur l’effet Placebo dans le sport ?

Prenons deux groupes de sportifs plutôt aguerris et soumettons-les à un entraînement structuré et suivi pendant 10 semaines. Les participants du premier groupe recevront chacun un plan d’entraînement standard, constitué d’un ensemble d’exercices à effectuer plusieurs fois par semaine. Si la répartition des exercices peut différer d’un participant à l’autre, leur répartition statistique est strictement équivalente.

Les participants du deuxième groupe vont, eux, recevoir chacun un plan d’entraînement personnalisé en fonction de leur capacités physiques mesurées au début de la période d’entraînement. Ainsi, le plan va renforcer le travail sur leur point faible et/ou insister sur le développement de leur point fort.

A l’issue de la période d’entraînement, mesurons l’efficacité du plan d’entraînement sur chacun des deux groupes. Sans surprise, le groupe qui a suivi un plan d’entraînement spécialement conçu pour chaque participant connaît une amélioration de ses performances plus élevée que le groupe ayant reçu un plan d’entraînement standard.

C’était prévisible.

Sauf si, en réalité, les deux groupes ont reçu un plan d’entraînement conçu aléatoirement, statistiquement équivalent. Il n’y a pas eu de plan d’entraînement personnalisé, on a seulement persuadé les participants du deuxième groupe que c’était le cas. Le reste, c’est de l’effet Placebo.

Cette expérimentation, conduite par une équipe de l’université d’Agder en Norvège a fait récemment l’objet d’un article dans la revue Nature. Pour Kolbjørn Lindberg, responsable de cette recherche, la mise en évidence de l’effet Placebo sur un plan d’entraînement est à la fois nouvelle mais pouvait être pressentie par la compréhension de plus en plus fine de l’effet Placebo avec les progrès des neurosciences.

Il formule notamment deux hypothèses pour expliquer le résultat :

La première est la tendance naturelle à s’impliquer plus dans un entraînement qui a été spécialement conçu pour soi. Si le volume global d’entraînement a été vérifié par les chercheurs afin d’éviter les biais, l’engagement de chacun dans l’effort est beaucoup plus difficile à mesurer. Cela expliquerait l’écart au terme de la période d’entraînement.

La deuxième raison concerne plutôt les conditions d’expérimentation à la fin de l’entraînement. Les participants ayant bénéficié d’un pseudo programme personnalisé auront tendance à vouloir en montrer l’efficacité supérieure. Il s’agit presque, ici, d’un effet Hawthorne.

Une autre étude avait mis en évidence l’effet Placebo associé, cette fois-ci, à la conviction d’utiliser d’un équipement spécialement conçu pour soi. En l’occurrence, une raquette de tennis. Les participants étaient testés sur leur performance au service. Là encore, disposer d’un équipement spécialement adapté à sa morphologie et à son style de tennis améliore vraiment les performances, même si en réalité il s’agit d’une raquette tout à fait standard !

C’est le fameux phénomène des baskets-qui-courent-vite, qui permet aux enfants à qui on a fourni des baskets-qui-courent-vite de battre leur camarades à la cour de récréation, et aux magasins de sport de vendre des baskets très chères à leurs parents adeptes de la performance…

Cet effet Placebo serait-il applicable au monde de l’entreprise ? Je le pense vraiment. Cela milite pour le fait de favoriser des formations spécialement conçues pour le contexte spécifique des équipes auxquelles elles s’adressent, ou tout au moins pour réussir à convaincre que c’est bien le cas même si en réalité la majeure partie du contenu sera standard. Une formation intra-entreprise, avec des cas d’applications liés au contexte dans lequel les équipes évoluent, avec une préparation individuelle pour comprendre les besoins de chacun en amont et ainsi démontrer que la formation va être spécifiquement conçue pour eux aura un impact non négligeable sur l’implication de chacun et sa motivation à montrer l’efficacité de la formation personnalisée. Il y aura sans aucun doute à la fois un effet Placebo et un effet Hawthorne, contribuant globalement à la performance de l’action de formation.

A chaque fois que j’ai eu l’occasion d’organiser ce type de démarche, j’ai pu constater les retours très positifs des équipes. A l’inverse, une formation généraliste, au milieu de participants venant de tous horizons, était souvent considérée comme « intéressante, il y a des choses à prendre, mais pas vraiment adaptée ».

Ce sera bientôt la période de la constitution de vos plans de formation pour l’année prochaine : pensez à l’effet Placebo !


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